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CONSTITUER LA COLLECTION : ARTISTES ET AMATEURS

Comment naît, au sein de la collection, la passion de l’impressionnisme ? Dans un temps de collectionnisme aigu, la question du choix de l’impressionnisme et donc des motivations du collectionneur se pose. À travers le parcours de Gustave Fayet et de la famille de Nittis, on s’interrogera sur l’importance du profil socio-économique, de l’histoire personnelle ou encore de l’implantation géographique sur ce choix. Ces trajectoires jouent également un rôle très important dans la constitution des collections des artistes impressionnistes qui seront abordées dans une étude d’ensemble.

Gwendoline Corthier-Hardoin,

École normale supérieure de la rue d’Ulm

La constitution des collections d’artistes impressionnistes

En 1874, lorsqu’eut lieu la première exposition de la Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs et graveurs, les prêteurs des œuvres pour l’événement, ainsi que pour les sept autres expositions organisées par le groupe qui suivirent, furent régulièrement les artistes eux-mêmes. Chacun d’eux avait déjà, ou acquit parallèlement, des figures tutélaires de l’histoire de l’art, qui les encourageaient dans leurs propres recherches plastiques, à l’image de Corot, Delacroix, Ingres, ou encore Millet. L’intérêt commun pour ces derniers, mais également le caractère fraternel et solidaire de l’aventure impressionniste, amenèrent les artistes à se faire des dons et des échanges, témoignages d’une confiance mutuelle, d’un respect réciproque, mais aussi d’alliances. Par ailleurs, les revenus confortables obtenus pour certains d’entre eux les incitèrent à réaliser des achats, auprès des marchands et lors de ventes publiques, afin d’obtenir des œuvres de leurs confrères impressionnistes. En effet, le développement du marché de l’art, à travers l’avènement de la figure du marchand comme des ventes aux enchères, participèrent fondamentalement à l’enrichissement des collections d’artistes. En ce sens, l’environnement économique dans lequel évoluèrent les impressionnistes, mais aussi la fraternité qui les animaient, l’accès direct aux recherches plastiques ainsi que la volonté commune de trouver une nouvelle identité, concoururent à une intense et précoce circulation des œuvres.

Fausto Minervini

Accademia di Belle Arti di Bologna 

Les De Nittis, collectionneurs et «collectionnés»

L’un des aspects les plus captivants de la carrière artistique de Giuseppe De Nittis (1846-1884), chef de file du soi-disant « impressionnisme italien » à Paris, est le lien étroit entre les dynamiques de sa vie personnelle et celles de son collectionnisme. Jusqu’à sa mort, l’esprit artistique du peintre italien, d’une part, fut conditionné par les exigences socioéconomiques résultant du bovarysme de sa femme Léontine, alors que, de l’autre côté, il manifesta une propension résolue et naturelle vers le credo impressionniste, qu’il accueillit de manière quand même ‘modérée’.

Dans ce contexte, De Nittis interagit avec certains des avant-gardistes français en devenant parfois collectionneur de leurs œuvres et, à son tour, étant ‘collectionné’ par eux. Celle du peintre italien fut une collection assez modeste, mais qui permet d’analyser son approche dichotomique et conflictuel vers le mouvement français : sous certains points de vue, en collectionnant l’impressionnisme, De Nittis collectionnait les principes artistiques et éthiques dans lesquels il avait fermement cru dès sa jeunesse à Naples, mais qu’il ne pouvait plus embrasser à cause des rythmes vertigineux de travail pour supporter les coûts des ambitions sociales de sa femme. Cette dualité artistique du peintre italien finit essentiellement par scinder son activité entre obligation et plaisir, ce qui en fait un ‘transformiste’ du panorama français de la seconde moitié du XIX siècle.


Alexandre d’Andoque,

Association du Musée d’Art Gustave Fayet à Fontfroide

La collection de Gustave Fayet 

Gustave Fayet, né en 1875 à Béziers et mort en 1925 à Carcassonne fut un important et riche propriétaire viticole languedocien ainsi qu’un homme d’affaires talentueux. Il fut aussi un peintre, céramiste, illustrateur et décorateur, que de récentes rétrospectives à se sont attachées à réhabiliter. Néanmoins il demeure davantage connu dans l’histoire de l’art en tant que collectionneur de Gauguin et ami de Redon à qui il commanda des portraits et les grands décors de la bibliothèque de l’abbaye de Fontfroide.

Mais lorsque Fayet commence à collectionner en 1900, il s’intéresse d’abord aux impressionnistes. En cinq ans, il rassemble à côté de ses premiers Gauguin et Van Gogh, une importante collection de pastels de Degas, d’huiles et d’aquarelles de Cézanne, d’œuvres de Renoir, ainsi que quelques pièces de Monet, Pissarro ou Morisot. En tout plus d’une quarantaine d’œuvres, certaines ayant appartenu aux collectionneurs de la première génération.

Il lui arrive parfois d’acheter en vente publique, à la vente de l’abbé Gaugain par exemple. Mais il préfère, lorsqu’il est à Paris, se rendre, accompagné de son ami et collectionneur, Maurice Fabre, chez Durand-Ruel, Bernheim-Jeunes ou Vollard pour regarder, discuter, sélectionner et négocier les œuvres.

Pour acquérir ces tableaux, Fayet propose souvent aux marchands en monnaie d’échange des œuvres de la collection d’Armand Cabrol, 40 huiles, pastels et dessins de Carrière, Degas, Manet, Monet, Monticelli, Pissarro, Renoir ou Sisley qu’il a achetés en décembre 1899 ou des œuvres héritée de son père. A l’exception de sept Renoir qui resteront dans la collection jusqu’à sa mort en 1925, Fayet échange ou revend à partir de 1905 les œuvres acquises, réalisant parfois de bonnes affaires, comme lorsqu’il cède en bloc à Charles Pacquement, pour 100.000 francs huit Cézanne en juin 1910.

Constituer la collection

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