Programme de Recherche International
Normandie
Paris Île de France

GÉRER LA COLLECTION : OBJETS ET ACTEURS

Le propre d’une collection est de n’être jamais achevé. Sa vie, faite d’achats, de reventes, d’échanges et de cadeaux, est souvent intense et mobilise tout un réseau d’artistes, de marchands, d’experts et d’amis, collectionneurs ou non. La complexité de ce réseau sera mise en lumière autour de l’exemple de la 4e exposition du groupe en 1879, de la collection Ephrussi et à travers le concept de « système des objets », appliqué aux ventes publiques.

Sara Tas

Amsterdam, Van Gogh Museum

Why collecting impressionism? The keen eye and eclectic taste of Charles Ephrussi 


Pourquoi collectionner les tableaux impressionnistes ? Charles Ephrussi (1849-1905) est issu d'une famille de riches banquiers juifs. Il s'est installé à Paris en 1871 et à partir de ce moment-là, il a consacré sa vie entière aux arts. Il a écrit pour la célèbre Gazette des beaux-arts, dont il devint copropriétaire en 1885 et directeur à partir de 1894. C’est en 1878 qu’il écrivit son premier article sur les impressionnistes. Bien qu'il hésitât encore à prendre ce nouveau mouvement pictural tout à fait au sérieux, il avait déjà commencé à collectionner leurs tableaux. Ephrussi n'était pas seulement un collectionneur passionné, il organisait aussi des expositions et a joué un rôle déterminant dans le développement de la carrière de Renoir par exemple. Cependant, à l’instar de beaucoup d'autres collectionneurs de tableaux impressionnistes, il ne s’est jamais intéressé exclusivement à ce nouveau mouvement. L’éclectisme de ses goûts le portait à acheter des œuvres aux styles très différents. En examinant de plus près la collection de Charles Ephrussi et son goût pour la peinture contemporaine, nous essayons de mieux comprendre la nature de sa relation avec ce nouveau mouvement. Quelles étaient ses motivations à acquérir des œuvres de peintres impressionnistes et comment se situait-il par rapport aux autres collectionneurs des années 1880 ?

Léa Saint-Raymond

Université de Rouen Normandie

L’impressionnisme dans le « système des objets » collectionnés. 


Cette présentation a pour ambition de replacer l’impressionnisme dans le « système des objets » collectionnés. En d’autres termes, il s’agit d’analyser ce que les amateurs d’œuvres impressionnistes collectionnaient en même temps que ces dernières, et quels étaient leurs goûts. Assistait-on à des régularités des préférences, parmi ces collectionneurs, et si oui, comment ces systèmes de préférences se structuraient-ils, à la fois dans le temps et dans l’espace social ? Les collectionneurs des impressionnistes formaient-ils un groupe homogène et singulier par rapport aux autres collectionneurs, et comment le système des objets collectionnés se positionnait-il dans le champ beaucoup plus vaste des collections en général ? Afin de répondre à ces questions, deux sources seront mobilisées afin d’élargir la focale au maximum et de permettre une approche comparative et quantitative pour trois années d’intérêt : les procès-verbaux des commissaires-priseurs parisiens et les annuaires de collectionneurs. L’analyse quantitative de cette double source, par les ventes publiques et par les annuaires, permet de dégager trois temps. En 1875, l’impressionnisme était collectionné et défendu par des amateurs dont les goûts se portaient principalement vers les tableaux dit « modernes » de l’école de 1830 et qui défendaient également d’autres jeunes artistes qui livraient eux-mêmes leurs œuvres aux enchères – notamment ceux qui composaient la « Société des dix ». En 1900, l’impressionnisme, désormais consacré, semblait être rentré dans la moyenne des collections de tableaux modernes, en rejoignant le premier socle formé par l’école de 1830 ; il ne permettait plus de réelle différenciation dans le champ des collectionneurs. En 1925, les amateurs de l’impressionnisme collectionnèrent les œuvres d’art « ancien », et non plus seulement les œuvres « modernes », et firent preuve d’un plus grand éclectisme. Néanmoins, comme en 1900, le goût pour l’impressionnisme ne constituait pas un trait distinctif et singulier dans l’espace des collectionneurs.

Catherine Meneux

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Une indépendance relative : le rôle déterminant des collectionneurs lors de la quatrième exposition « impressionniste » en 1879


Dans cette communication, je voudrais explorer la place et le rôle des collectionneurs lors de la 4e exposition dite « impressionniste » en 1879. Celle-ci est en effet un cas d’étude intrigant puisque près de 37% des œuvres appartenaient à divers propriétaires, et elle se distingue des huit autres expositions « impressionnistes » pour le nombre élevé d’œuvres prêtées et mentionnées comme telles dans le catalogue. Dans la quarantaine de prêteurs identifiés, on repère des personnalités bien connues comme Georges de Bellio, Théodore Duret, Ernest May ou Eugène Murer, ainsi que des artistes-collectionneurs tels que Gustave Caillebotte, Paul Gauguin et Henri Rouart. Parmi les artistes, ce sont surtout Edgar Degas, Jean-Louis Forain, Claude Monet et Camille Pissarro qui ont majoritairement fait appel à des collectionneurs et, dans leurs cas, une grande partie de leurs œuvres n’étaient pas à vendre. Dans cette communication, je voudrais expliciter l’alliance de ces artistes avec un ensemble hétérogène de collectionneurs qui leur ont permis d’exister sur la scène artistique et de créer un nouveau marché. Très peu évoqués par la presse, ces collectionneurs n’apparaissaient qu’en filigrane. Mais les questions à leur sujet demeurent nombreuses : avaient-ils des liens entre eux ? En quoi leur soutien lors de l’exposition de 1879 a-t-il été crucial ? Leur participation à l’exposition comme prêteurs a-t-elle stimulée leurs désirs d’achats et les a-t-elle orientés vers des artistes qu’ils ne collectionnaient pas auparavant ? En analysant précisément leurs parcours, ainsi que la spécificité de la 4e exposition de peinture, j’essaierai de répondre à ces questions qui permettent de revaloriser le rôle des collectionneurs et du public à la fin des années 1870. Dès lors, je les aborderai non pas selon un angle monographique et diachronique, mais de façon à la fois synchronique et systémique puisqu’il s’agira d’étudier un moment donné, celui de la 4e exposition de peinture qui a lieu entre le 10 avril et le 10 mai 1879, et un écosystème, entendu ici comme une communauté d’artistes et de collectionneurs liés par un projet et agissant de manière interdépendante.

Gérer la collection

Aucun sujet n'a été trouvé ici